mercredi 10 septembre 2008

Vent de polémique sur l’éolien français

Cet été, les anti-éoliens s’en sont donnés à cœur joie. Les mâts des aérogénérateurs vont-ils rompre ou seulement plier face aux assauts répétés des détracteurs de cette énergie renouvelable ?


Le premier coup de butoir a été donné la première quinzaine de juillet. Où l’on apprend alors que les pouvoirs publics s’apprêtent à soumettre par décret les parcs éoliens à la procédure d’autorisation des « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE) qui encadre les équipements présentant les dangers et les risques de pollution les plus importants. Le syndicat France Energie Eolienne – la branche éolienne du Syndicat des Energies Renouvelables (SER) – en conclut un rien remonté que « si ce projet aboutissait, une seule éolienne de 2 MW serait soumise à des contraintes et à des pénalités financières équivalentes voire supérieures à celles d’une centrale thermique (gaz, charbon ou fioul) de 500 à 1 000 MW ! »


Nouveau coup dur début août : le Conseil d’Etat annule, pour vice de procédure, l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les tarifs de rachat de l’électricité éolienne par EDF (8,2 centimes le kWh). Une information annoncée par le ministère de l’Ecologie et l’association anti-éolien Vent du bocage. Le ministère s’empressant de d’ajouter que cela ne remet pas en cause le niveau des tarifs et qu’un nouvel arrêté sera publié prochainement pour régulariser la situation (toujours rien en vue au 10 septembre).


Le Conseil d’Etat a justifié sa décision en expliquant que l’arrêté de juillet 2006 a été ordonné sans que le conseil supérieur de l’énergie ne soit consulté, seul le conseil supérieur de l’électricité et du gaz l’ayant été.

Dès la parution de l’arrêté du 10 juillet 2006, Vent du bocage avait déposé un recours en Conseil d’Etat. Notons que cette association est présidée par Jean-Louis Butré, qui est par ailleurs président de la Fédération Environnement durable. Laquelle fait partie du comité d’orientation stratégique présidé par l’ancien chef d’état Valéry Giscard d’Estaing, dont l’objectif est d’évaluer les conséquences du choix de l’énergie éolienne en France et en Europe.


« L’éolien ne répond pas à un besoin »


Enfin, cerise sur le gâteau : l’Institut Montaigne publie cet été un rapport intitulé « Eoliennes : nouveau souffle ou vent de folie ? » et signé de Vincent Le Biez, Ingénieur-élève au Corps des Mines. A la lecture de la conclusion, l’auteur semble plus proche du vent de folie que du nouveau souffle.


La voici in extenso :


« Le développement de l’éolien en France ne répond pas à un besoin, étant donné la sobriété du parc de production électrique français en terme de CO2. Selon les calculs auxquels nous avons procédé plus haut, l’objectif de 25 000 MW affiché lors du Grenelle de l’Environnement se traduirait, s’il était atteint, par un surcoût annuel moyen de 1 milliard d’euros d’ici à 2020 et de 2,5 milliards au-delà, soit environ 100 supplémentaire par foyer et par an. Par ailleurs, les taux de rentabilité sur fonds propres observés chez les promoteurs éoliens sont incontestablement disproportionnés par rapport au bénéfice qu’en tire la collectivité et se traduisent par des rentes de situations indues. Enfin, même si là n’est pas l’objet de cette étude, on rappellera pour mémoire que les éoliennes s’accompagnent de nuisances sonores et, surtout, esthétiques sérieuses.


Toutefois, dans un contexte de hausse de la demande d’électricité et de fermeture programmée de certains groupes à charbon polluants, un développement modéré de l’éolien en France, de l’ordre de 7 à 10 GW à moyen terme, permettrait de diversifier le mix électrique français tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en participant à la sécurité énergétique de notre pays. Sous une telle hypothèse, dont la réalisation est déjà pratiquement engagée, les externalités dues au renforcement du réseau ou au redimensionnement des réserves (redimensionnement causé en raison de l’intermittence et du degré d’imprévisibilité de l’éolien, NDLR) restent contenues. Au-delà de ce seuil, un arrêt des mécanismes de subvention publique s’impose, les acteurs du marché de l’électricité décidant s’il convient ou non de poursuivre le développement de l’énergie éolienne.


Enfin, il faut avoir conscience que le véritable enjeu pour limiter les missions de gaz à effet de serre issues de la production d’électricité en France n’est pas à trouver du côté des éoliennes ou de l’offre en général, qui est déjà très sobre en C02. C’est du côté de la demande que nous pouvons faire des progrès et apporter notre contribution à l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre.


Nous pourrions en effet aisément favoriser le lissage de la courbe de charge européenne, puisque, à elle seule, la France consomme la moitié de l’électricité produite en pointe en Europe – ce qui accroît la probabilité que soient mobilisées des centrales à charbon ou à hydrocarbure.


La mise en oeuvre de politiques de maîtrise de la demande d’électricité devrait donc être la priorité absolue du décideur public français en matière de développement durable. »


La fédération Planète éolienne s’active pour défendre la filière


Face à ses attaques, les partisans de l’éolien font de la résistance. Jean-Vincent Placé, président du groupe des élus Verts au conseil régional d'Ile-de-France et président de la Fédération nationale des élus pour la promotion des énergies propres (Fneppep) et Christophe Rossignol, conseiller régional du Centre et secrétaire général de la Fneppep, font partie de ceux-là. Ils signent une tribune dans le journal Le Monde titrée : « L’éolien victime du lobby nucléaire ». Dans ce texte, les auteurs ne manquent pas de souligner que l’Institut Montaigne est un club de pensée libéral financé par des multinationales, dont Areva.


Leur réponse face à qu’ils qualifient de « campagne de déstabilisation » trouve une synthèse dans l’extrait suivant :

« A l'heure du dérèglement climatique et du pétrole rare et cher, la volonté de nuire à l'éolien ne peut donc que susciter l’indignation et de profondes interrogations. La réponse est à chercher du côté du conservatisme et du lobby pronucléaire, pour citer Hubert Reeves : "Chaque éolienne est garante d'un peu moins de gaz carbonique dans l'atmosphère, ou d'un peu moins de déchets nucléaires à gérer par les générations à venir."

Face à ce lobby puissant, il existe déjà une association très active, "Planète éolienne". A ses côtés, il faut, pour reprendre encore les mots d'Hubert Reeves, que "les élus soient aux premières lignes : c'est leur lot, mais aussi leur honneur et leur dignité, eux qui doivent résister à la pression des intérêts à courte vue".

Nous appelons donc dès maintenant tous les élu(e)s à s'engager. »


Développement de l’éolien : les 6 propositions de l’Institut Montaigne

  1. Établir un chiffrage officiel du véritable coût de l’éolien
  2. Mettre fin au tarif d’achat garanti et procéder exclusivement par appels d’offres
  3. Planifier le renforcement du réseau parallèlement au développement de la filière éolienne
  4. Équilibrer les implantations d’éoliennes entre les différents régimes de vent
  5. Établir un bilan prévisionnel de l’équilibre offre/demande d’électricité et développer les interconnexions au niveau européen
  6. Parler d’énergie non-carbonée en plus d’énergie renouvelable

Les avantages et les inconvénients de l’éolien (*)


(*) tirés de l’ouvrage « Energie et environnement » publié à La Documentation Française et signé Pierre Merlin, Professeur émérite à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) et Président de l’Institut d’urbanisme et d’aménagement de la Sorbonne.


Les plus

  • Fournit une énergie ne produisant par elle-même ni polluants, ni gaz à effet de serre ;
  • Intégralement renouvelable ;
  • L’énergie obtenue, au départ très faible (la puissance des éoliennes installées était de 30 kW il y a 25 ans) devient significative avec les grandes éoliennes (600 kW) il y a dix ans, 1 ou 2 MW aujourd’hui).

Les moins

  • Une rentabilité atteinte que pour des implantations suffisamment ventées : la fraction du temps au cours de laquelle une éolienne fonctionne (sa disponibilité) varie entre 20% (en général dans les régions intérieures de plaine) à un tiers (le plus souvent au-dessus de la mer) ;
  • La production est conditionnée par la vitesse du vent et non par la demande d’électricité : l’énergie éolienne doit en tout état de cause être utilisée en complément de sources d’électricité utilisables à la demande ;
  • Le rendement énergétique d’une éolienne industrielle est en moyenne de 55% ;
  • L’énergie éolienne est coûteuse, notamment en investissements : alors que le prix de revient du kWh nucléaire est actuellement en France de 0,03 euro, le kWh éolien, pour encourager la filière, est racheté par EDF à 0,082 euro, prix garanti pendant dix ans ;
  • Impact important sur l’environnement (caractère intrusif, vibrations, bruit causé par les pales) ;
  • Il n’est pas tout à fait exact que l’éolien ne produise ni polluants, ni GES car la production des éoliennes, leur entretien, etc. en consomment (certes en petite quantité).

Le débat fait rage dans La Tribune


Ce débat entre les pro et anti-éoliens s'envenime à coups de tribunes interposées dans les colonnes du quotidien économique La Tribune. Maximilien Rouer, PDG de BeCitizen, et Barthélémy Rouer, DG de Wind Prospect, ont ouvert le bal le 8 septembre dernier avec le point de vue titré "Anti-éoliens : les nouveaux réacs". La réponse est tombée le 11 septembre, elle est signée Vincent Le Biez et Philippe Manière, de l'Institut Montaigne, et intitulée "Eole et les nouveaux rentiers".


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