vendredi 31 octobre 2008

Bio3D Applications valorise les biomasses sous CO2 caloporteur

BIOmasse, Dioxyde de carbone, Déshydratation et densification, Développement durable et applications. Voici résumée en quelques mots clés Bio3D Applications, une jeune entreprise éco-innovante dont il va falloir suivre de près le développement.

Elle a déposé pas moins de 16 brevets dans les domaines du traitement des bois d’oeuvre, de la production d’énergies et de molécules chimiques, et de traitement des déchets organiques.

« Pourquoi ne trouve-t-on pas de débouchés pour valoriser le CO2 ? », s’est interrogé Sébastien Roux, Directeur R&D de la start-up et qui, dans le cadre de son doctorat, a axé ses recherches sur la captation de CO2 (chemical-looping combustion).

Il est catégorique : « L’idée de séquestrer le CO2 ne m’intéresse pas. Ça n’apporte pas de valeur ajoutée, c’est plutôt contraignant, et à long terme, cela crée ce que l’on trouve aujourd’hui avec les hydrates de méthane : des bombes en puissance. »

« Avec les chercheurs de Bio3D, nous partagions la même vision qui consiste à trouver des techniques permettant de créer de la valeur ajoutée avec le CO2, poursuit Sébastien Roux. Nous avons alors mutualisé nos savoirs. »


Bio3D Applications n’hésite pas à parler d’innovations de rupture à propos de ses nouveaux procédés innovants. A commencer par le séchage et la stabilisation du bois d’œuvre (bois utilisé pour la construction : structure porteuse, parement extérieure, couverture de toit…) sous CO2 caloporteur.

Un bois à un taux supérieur à 20% d’humidité n’est pas correctement transformable. I faut donc le sécher. « Cela n’est pas une grande spécialité française. Chaque année, 3 millions de m3 de bois partent en Finlande (séchage sous vide) et reviennent en France séchés », explique Sébastien Roux.

Le séchage du bois à l’air libre est long, alors quand on veut accélérer le processus, on procède au séchage artificiel. « Pour usiner du bois, il faut atteindre des taux d’humidité de 8 à 12% en fonction des essences. »

Bio3D atteint ces performances-là en très peu de temps. Aujourd’hui, il faut attendre 1 an avant de couper en planches les billes de chêne vert, puis 1 mois pour les sécher à 8%. Et encore, si 70% de la charge est correcte, 30% est abîmée, le bois est tordu, fissuré, collapsé. Avec Bio3D, ce délai est ramené à 24 heures. « Avec notre procédé, on coupe tout de suite les billes de chêne en planches, et on les sèche sous CO2 dans la foulée », indique Sébastien Roux.


Quand la phase anhydride est atteinte, le procédé de stabilisation sous CO2 caloporteur de Bio3D empêche l’eau de se lier à la matière. Tous les organismes xylophages ne peuvent plus "nider", et consommer la biomasse. Le bois conserve toutes ses propriétés mécaniques, et surtout est imputrescible. Ce procédé se réalise à des températures comprises entre 160 et 200°C à cœur.

La première unité de production à l’échelle 1 de Bio3D sera opérationnelle avant la fin de l’année. Elle est en train d’être caractérisée par l’UTC de Compiègne, le Critt-bois et l’Inra.

« On va travailler sur du peuplier, une essence qui n’a plus de débouchés en France, hormis les boîtes d’allumette, les cagettes ou les boîtes de camembert. On va ouvrir de nouveaux débouchés – dans la rénovation par exemple - à cette essence, l’un des seuls arbres qui maintient les sols et les zones humides », s’enthousiasme Sébastien Roux.

Aujourd’hui, Bio3D achète le CO2 sur son installation prototype. Le but à terme est d’utiliser le CO2 en sortie de cheminée, chez les sucriers ou les fabricants d’ammoniac, qui produisent 300 000 tonnes de CO2.

Innovation de rupture dans la production d’hydrogène par pyrolyse

Le second axe de Bio3D porte sur la production d’énergies à partir de biomasse.

Le chauffage au bois est l’un des plus polluants. La technique de séchage poussé des biomasses (déshydratation totale) de Bio3D, avec une cinétique plus rapide (4 à10 fois), permet d’obtenir un rendement chaudière de près de 95% (au lieu de 65% actuellement), sans émission d’imbrûlés (COV), réduisant ainsi les coûts de la maintenance de la chaudière et augmentant sa durée de vie.

Les techniques de séchage et de torréfaction de Bio3D permettent d’atteindre un pouvoir calorifique de 5,3 kWh par kilogramme d’agro-ressources contre 2,2 kWh/kg obtenu avec les procédés actuels. Soit plus du double. Ce qui permet d’économiser 35% de matières en amont.

Objectif ultime de la jeune entreprise : produire de l’hydrogène par pyrolyse de la biomasse. Le challenge : fabriquer de l’hydrogène à haut rendement avec des coûts inférieurs au réformage du méthane qui est aujourd’hui la technique la plus compétitive sur le marché.

« Le but de la pyrolyse est d’augmenter la fraction carbone de la matière, donc de se débarrasser de O et de H, professe Sébastien Roux. Cela sert à quoi ? A produire une réaction de gazéification qui entre dans le système de conversion thermochimique des biomasses. Carbone + eau à haute températeur = gaz de synthèse. »

Rappelons qu'à partir de l’hydrogène, on synthétise tout, on peut recréer du pétrole, des biocarburants….

« On pré-conditionne la matière par pyrolyse en 5 minutes. Derrière, ce carbone solide est mis en température, est transformé en gaz de synthèse, donc en COH2, explique le directeur R&D. On transforme ensuite la molécule de CO en hydrogène, avec un mélange hydrogène CO2 facilement séparable. L’hydrogène est tout de suite consommé, ou, si on veut le stocker, on le transforme en méthane ; on ne le stocke surtout pas, comme tout le monde veut faire, sous sa forme primaire (pas avant 2050) », détaille Sébastien Roux.

Une voie qui semble compétitive par rapport à la filière des micro-algues. Pas étonnant alors que Bio3D Applications soit en relation avec l’Ifremer pour étudier les synergies possibles…

La fiche de Bio3D Applications

* Créée en 2001

L’équipe

* Michel Dixmier, président : ancien dirigeant d’Innovatron, la société qui avait assuré la promotion de la carte à puce de Roland Moreno.
* Bertrand Bonnal, Directeur général.
* Raymond Guyomarc’h, Directeur scientifique.
* Sébastien Roux, Directeur R&D.

Les perspectives

* L’unité de production (coût de fabrication autour d'un million d'euros) sera présentée à Pollutec à Lyon début décembre.
* Une joint-venture est en passe d’être créée entre Bio3D et des partenaires canadiens, avec une levée de fonds à la clé.
* Premier marché visé : le marché nord-américain et particulièrement canadien, où 1 maison sur 4 est en bois.

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1 commentaire:

Paul a dit…

Bravo Stéphane pour ce billet riche en enseignement et en perspective pour la filière bois et les innovations vertes. A suivre de très près en effet. La France et ses investisseurs, s'ils saisissent les opportunités, ont une formidable carte à jouer dans l'économie positive de demain. Ca redonne du baume au coeur en ces temps où on nous rabâche la crise. En attendant l'élection d'un certain Obama... Autorisons-nous de rêver à nouveau non ?

 
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