Interview de Andreas Wild, Directeur R&D EMEA de Freescale (ex Motorola Semiconductor).
Freescale a récemment récompensé les meilleurs projets dans le cadre de son concours « Green FTF Design Challenge ». Des projets fondés sur ses circuits électroniques. Mais, les microcontrôleurs de Freescale sont-ils conçus dans une optique de réduction de la dépense d’énergie ?
Notre activité porte sur deux volets : l’optimisation de la consommation énergétique de nos composants et de celle de nos clients. Nos microcontrôleurs répondent à cette double demande.
Je vais faire un retour en arrière de dix ans : Freescale avait présenté à la conférence européenne des semiconducteurs un microcontrôleur qui pouvait fonctionner avec une tension de moins de 1 volt, là où l’industrie travaillait à l’époque à 3,3 volts ou 5 volts. Ce circuit intégré avait été conçu pour être embarqué dans un « pager » et assurer toutes les fonctions d’un tel périphérique. Cette baisse de la puissance consommée permettait de doubler l’autonomie de la batterie.
Aujourd’hui, les semiconducteurs sont pensés pour une gestion intelligente de l’énergie. Autrement dit, ils permettent d’appliquer l’énergie là où l’on en a besoin, quand on en a besoin et avec la quantité nécessaire. Prenons l’exemple de l’agriculture, un arrosage mal géré est synonyme de gaspillage d’eau. En réalité, les différentes zones d’un champ de culture ne nécessitent pas la même quantité d’eau : des systèmes intelligents sont capables d’indiquer précisément où, à quel moment, et en quelle quantité il faut arroser.
Mais, avez-vous des clients de ce domaine précis ?
Je n’ai pas de clients à citer, mais nous avons effectué des travaux de recherche poussés dans ce que l’on appelle l’agriculture de précision. Cette orientation est d’ailleurs valable dans tous les secteurs industriels, qui doivent mieux gérer l’énergie qu’ils consomment, avec la quantité nécessaire au moment optimum.
L’industrie automobile a beaucoup évolué dans ce sens-là. Comment croyez-vous qu’un moteur peut consommer aujourd’hui moitié moins de carburant qu’il y a dix ans, alors que le poids des véhicules a augmenté dans le même temps de 30%. Contrairement à un réglage mécanique plus grossier des cylindres, l’intelligence des microcontrôleurs contrôle l’injection de carburant optimale en fonction de plusieurs paramètres, la pente de la route, un sol glissant ou pas, etc., et cela, en temps réel. C’est ainsi qu’on gagne en puissance avec beaucoup moins de carburant. En France, Renault et PSA utilisent les dernières générations de microcontrôleurs de Freescale.
En dix ans, avez-vous encore réduit la tension d’alimentation de vos circuits ?
A 1 volt, nous étions pionniers à la fin des années 90. Toute l’industrie est aujourd’hui à 1 volt, 1,5 volts. Maintenant, les couches que l’on dépose sur les circuits lors de leur fabrication sont beaucoup moins épaisses et peuvent fonctionner avec une tension plus faible et moins de puissance (la puissance évolue avec le carré de la tension, ndlr).
Pouvez-vous citer des exemples de gain d’énergie obtenus chez certains de vos clients ?
Je ne crois pas qu’on ait des analyses aussi poussées au niveau des gains apportés par nos composants électroniques. L’automobile a fait des progrès dans l’augmentation de puissance, la consommation de carburant, le confort à bord, le poids. 85% des améliorations obtenues grâce à l’innovation sont à mettre au crédit de l’électronique. Et cela, à côté bien sûr des autres progrès observés dans les matériaux, les techniques de production…
Dans quelle proportion la densité des microcontrôleurs embarqués dans une voiture a-t-elle augmenté en une décennie ?
Il y a quinze ans, le nombre de microcontrôleurs enfouis dans un véhicule était proche de… zéro ! Actuellement, une automobile moyenne compte entre 50 et 75 microcontrôleurs, et un véhicule haut de gamme jusqu’à 150 contrôleurs. Ils contrôlent le réglage de sièges électriques (capteur, contrôleur, transistor de puissance, micromoteur…), l’ouverture électronique des vitres, même le fonctionnement des essuie-glaces. Le contrôle du moteur ou de la tension de freinage contribue à une baisse de consommation d’énergie. Ce qui nous amène aux nouveaux systèmes de récuperation d’énergie. Le moteur peut s’arrêter au feu rouge et redémarrer au feu vert. Avec cette fonction, l’économie de carburant se chiffre entre 10 et 15%.
Travaillez-vous également sur la récupération d’énergie cinétique au freinage ?
Oui, sur ce point, nous travaillons avec des constructeurs européens et des équipementiers comme Valeo qui ont présenté leur programme « Green by Nature » lors de notre Technology Forum. Freescale est l’un des partenaires technologiques les plus importants pour Valeo. Je ne parle pas en termes de volumes d’achats, mais de travaux de recherche d’avant-garde qui préfigurent sur l’automobile de demain.
Freescale alloue 17 à 18% de son chiffre d’affaires à sa R&D. Quelles innovations peut-on attendre dans les dix prochaines années en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique ?
Dans le secteur automobile, l’une des avancées envisageables dans les prochaines années est d’atteindre une consommation de carburant de 1 litre aux 100 kilomètres. C’est un vrai challenge. La Smart de Daimler consomme aujourd’hui 3,3 l/km. Et la voiture à air comprimé de MDI (voir le modèle Air Pod ci-dessus) a récemment fait un tabac en Californie. Avec ce type de véhicule, on peut même imaginer aller au-delà d’un litre par 100 kilomètres. On peut aussi parler de la voiture complètement électrique avec des techniques de déplacement qui restent à inventer.
Freescale est-il actif sur le marché de la voiture électrique ?
Absolument. L’évolution vers la notion de voiture électrique est graduelle. On a commencé avec la voiture hybride. Le système « start-stop » au feu rouge est une première étape. La récupération de l’énergie cinétique est la suivante. Et, de proche en proche, tout cela aboutira à l’automobile électrique de série.
Mais pour l’instant, un véhicule purement électrique n’est pas une solution faisable en raison des ressources d’énergie, de l’état des batteries…
Pourtant, on a vu sur le Mondial de l’automobile des voitures comme la B Zéro de Bolloré et de Pininfarina dont la production est prévue pour fin 2009 et basée sur une batterie lithium…
On essaie de trouver des applications même avec les limitations des technologies existantes en matière de stockage d’énergie, la capacité de stockage étant limitée actuellement. Ce qui se traduit par des restrictions de l’autonomie du véhicule. Je ne crois pas qu’il existe aujourd’hui une voiture 100% électrique qui offre une autonomie supérieure à 400 km. Cela dit, pour des déplacements urbains, une autonomie de 150 km suffit.
On va trouver des approches mixtes. Le moteur à air comprimé de MDI a un compresseur qui nécessite pour sa recharge un combustible, donc une source d’énergie plus traditionnelle.
jeudi 27 novembre 2008
« La voiture à 1 litre aux 100 kilomètres est un défi pour les 10 prochaines années »
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1 commentaire:
C'est bien, tout ça, mais je reste juste dubitatif sur laproduction de masse de ce genre d'éco-innovations, qui seront forcément coûteuses au départ..avec donc une taille de marché réduite...donc pas d'économies d'échelles possible !! Donc quel constructeur se lancera ??? Sur le thème des éco-innovations, y a un texte pas mal dans un rapport PDF :
http://www.fondapol.org/europe-international/publication/titre/environnement_et_competitivite_une_strategie_globale_pour_leurope.html
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