Tribune de Vincent Pessey, Responsable de Missions, au sein de l’activité Chimie, Matériaux et Energie d’Alcimed.
Des matériaux intelligents sont apparus sur le marché de la construction afin de réduire les besoins en climatisation durant les périodes chaudes : les matériaux à changement de phase (PCM pour Phase Change Material). Les dernières technologies – paraffines, polymères hyperramifiés,… - relancent l’utilisation des PCM dans le bâtiment après la déconvenue des produits de première génération à base de sels hydratés.
La climatisation représente aujourd’hui en France environ 4% de la consommation d’énergie des secteurs résidentiels et tertiaires, qui représentent eux-mêmes 45% de la consommation d’énergie totale. Du fait du réchauffement climatique, la consommation d’énergie liée à la climatisation ne fait qu’augmenter, impactant fortement l’environnement. Pour limiter les besoins en climatisation dans le résidentiel et le tertiaire conformément à la RT2005 (*), plusieurs pistes sont explorées en parallèle : les isolants d’une part, qui freinent mieux les transferts de chaleur que les matériaux traditionnels (béton, plâtre et brique), et les matériaux à changement de phase (PCM) d’autre part, qui absorbent la chaleur.
Les PCM présentent un avantage certain pour réduire les besoins de climatisation des bâtiments : placés dans les cloisons, ils fondent et absorbent l’énergie thermique excédentaire lorsque la température extérieure dépasse leur température de fusion (en journée) et ils se solidifient en restituant l’énergie accumulée lorsque la température redescend (la nuit).
Plusieurs PCM ont été envisagés. Considérés comme prometteurs dans les années 70, les sels hydratés sous forme massive (poches, capsules, barres…) ont déçu par la suite, du fait de leur toxicité, de leur mauvaise transition de phase et de leur propension à la surfusion. Le conditionnement en poche générait aussi des risques de fuite en cas de dégradation de celles-ci.Aujourd’hui, d’autres substances, ainsi que de nouvelles mises en formes, sont apparues, relançant les applications dans le bâtiment de ces PCM. Les paraffines, chimiquement stables, sont les plus répandues. Elles peuvent être conditionnées dans des billes de plastique microscopique (microencapsulation) mélangées au plâtre ou au béton, ou bien incorporées dans les pores d’un matériau porteur (imprégnation).
Les PCM à transition solide/solide à l’étude
Cette mise en forme offre un double avantage : d’une part, la surface d’échange entre le PCM et l’extérieur augmente considérablement, facilitant d’autant la transition de phase ; d’autre part, les risques de fuites sont réduits à zéro : il est impossible, du fait de leur taille microscopique, de briser les billes contenant le produit.
Quelques produits sont déjà commercialisés : le Micronal® (paraffine dans des microcapsules de polymère), de BASF, ou encore Energain® (composite paraffine/polyéthylène) de Dupont, qui permettent aussi bien d’intégrer les PCM dans la structure pendant la construction du bâtiment que de les rajouter lors de sa rénovation.
En plus de ces solutions existantes, de nombreux autres types de matériaux et de mises en forme sont à l’étude.
On sait maintenant imprégner les PCM dans le plâtre, le béton, certains plastiques, et même dans une matrice de graphite, qui a l’avantage d’avoir une excellente conductivité thermique.
Les PCM à transition solide/solide sont une seconde innovation à l’étude : ce sont des polymères hyperramifiés qui passent d’une phase solide à une autre en emmagasinant plus de chaleur que les solide/liquide. Le fait d’être toujours solides les rend très intéressant dans la construction, puisqu’ils sont beaucoup plus facilement conditionnables et utilisables tel quel.
De la théorie à la pratique, les performances suivraient : les pics de température dans une pièce équipée avec des PCM pourraient être réduits jusqu’à 4° C, et la consommation d’électricité liée à la climatisation pourrait chuter de 30%.
Si les PCM sont donc écologiques, ils sont aussi économiques : une étude réalisée en 2007 par le Centre de Thermique de Lyon et réunissant de nombreux partenaires du domaine a évalué ce retour sur investissement à 8 ans. Dans le contexte du prix de l’énergie et des matières premières, on peut sans peine saisir les avantages de ce type d’installation, d’autant plus que les PCM ont une durée de vie très longue.
(*) Le gouvernement a consacré un des trois volets de la Réglementation Thermique 2005 (RT2005) au confort d’été : sans climatisation, le bâtiment doit assurer une température intérieure inférieure à une température de référence (dépendante de la région).
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