lundi 1 septembre 2008

Cleantechs françaises : la bulle Internet est-elle biodégradable ?

Après la Net économie, la « green économie »... Rapprocher l'effervescence autour d'internet il y a dix ans de l'actuelle agitation autour des écotechnologies n'est pas dépourvu de sens. Les enseignements tirés de la bulle internet seront précieux pour les hommes et les entreprises surfant sur la vague des cleantechs... Histoire de ne pas répéter les mêmes erreurs, et ne pas laisser tout le gâteau aux Californiens.

Une Tribune co-signée par :

Stéphane Distinguin, entrepreneur, fondateur de faberNovel, président du Silicon Sentier, administrateur du pôle de compétitivité Cap Digital et du Comité Richelieu,







et

David Dornbusch, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, participe à plusieurs think-tank sur les questions d'énergie et d'industrie.





Moins de 10 ans après la « bulle Internet », une nouvelle révolution
technique et économique est en marche : celle des écotechnologies, plus connues de l'autre coté de l'Atlantique sous le nom de « Cleantechnologies » ou « Cleantech ».

Energies renouvelables et économies d'énergie, traitement de l'eau et de
l'air, optimisation des processus industriels, du bâtiment, de l'automobile... les jeunes entreprises apparaissent par centaines dans la Silicon Valley et autour de Boston. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. On a compté en 2007 plus de 300 investissements dans des start-up du secteur aux Etats-Unis et 33 en France. On se croirait revenu 10 ans en arrière.

Les nouveaux géants industriels issus de la bulle Internet étaient tous
californiens (Yahoo, Google etc..), alors qu'ici n'ont survécu que quelques grosses PME qui n'ont pas réussi à emmener dans leur sillon d'autres jeunes entreprises innovantes de façon à élargir et consolider leur écosystème. Doit-on s'attendre à un même scénario pour les « Cleantech » et voir
apparaître les nouveaux géants de l'énergie, de la mobilité durable et des services environnementaux chez les mêmes élèves modèles - les Etats-Unis et Israël en tête, mais aussi déjà la Chine - et une nouvelle fois voir l'Europe laisser passer les trains ?

La France et l'Europe ont pourtant des atouts qui laissent penser que la
« bulle verte » peut s'épanouir ici également. Lors des 30 dernières années, la France et l'Europe ont continué à investir dans les métiers de base des écotechnologies : énergie, eau, etc... alors que sous la pression des marchés financiers et de la rentabilité à court terme, certains secteurs industriels avaient quasiment disparu aux Etats-Unis (la construction nucléaire en est le paradigme). Nous comptons actuellement en Europe la plupart des géants mondiaux de l'énergie et de l'eau, ainsi que des instituts de recherche actifs. On peut donc supposer que ces laboratoires publics et privés, ces instituts de recherche et ces grandes entreprises regorgent de pépites technologiques qui peuvent engendrer les start-up de demain.

La France a déjà manqué certaines des premières étapes. Ainsi les géants de
l'éolien se sont constitués essentiellement en Allemagne, au Danemark et en Espagne. De même, le récent Salon des Energies Renouvelables était dominé par les entreprises allemandes des secteurs du photovoltaïque et de la biomasse. Pourtant, la France compte quelques belles réussites, tel le
déploiement à grande échelle des systèmes « Vélov' » ou « Vélib' », ou quelques belles start-ups, telle Bionersis - concepteur et exploitant d'installation de biogaz - dont la valorisation est passée en quelques mois de quelques centaines de milliers à plusieurs dizaines de millions d'euros.

Shai Agassi, le plus bel exemple de l'analogie entre TIC et cleantech


Mais justement, si la première bulle s'est dégonflée faute d'expérience et
d'une base solide, les « cleantech » doivent impérativement s'inspirer des règles qui prévalent dans les technologies de l'information et de la communication (TIC). En Californie et en Israël, Shai Agassi, qui développe le projet « A better place », précédemment fondateur d'une start-up dans le logiciel, puis passé au plus haut niveau chez SAP, est sans doute l'un des meilleurs exemples des analogies entre TIC et cleantech : son projet extrêmement ambitieux est financé à hauteur de plus de cent millions de dollars et sa voiture électrique, soutenue par Renault et Carlos Ghosn, était un des clous du voyage d'état du Président Sarkozy en Israël.

Mais quelles sont les leçons à tirer de la bulle ? Il est d'abord et avant
tout question de solidarité de destin dans des domaines où l'innovation ouverte règne : cette solidarité doit être animée par des associations de terrain, sans parti pris, et se partage, culture comprise, du citoyen aux institutions.
Si les médias classiques n'ont toujours pas réussi à démontrer leur capacité à prendre le « virage Internet », dans le secteur de l'environnement le démarrage semble meilleur. EDF et ses énergies renouvelables en sont un bon exemple, mais les « grands » doivent veiller et favoriser le développement des « petits » et les amener, plus comme partenaires qu'en tant que vassaux, vers des marchés pilotes en France et à l'international.

Par ailleurs, le financement bancaire et de capital investissement doit
pouvoir permettre d'accompagner des entreprises plus nombreuses, très tôt et de façon plus rapide. Rappelons-nous que Dailymotion - créé avant YouTube - avait péniblement bouclé son premier tour de table bien après le troisième du californien racheté rapidement pour près de 2 milliards de dollars par Google.

Enfin, au sein des projets éco-innovants développés par les collectivités,
les premières concernées par cette vague verte en termes de bienfaits, mais aussi de création de richesse, une part de leur réalisation et des marchés qui en découlent doit être réservée de façon systématique à des Jeunes Entreprises Innovantes (JEI).

Voilà en tout cas de quoi souhaiter que la bulle Internet ait laissé des
traces... le développement des Cleantech a bien besoin de ses enseignements et des années où péniblement les entrepreneurs français des TIC et ceux qui les accompagnent ont dû analyser les raisons d'une crise et rétablir les conditions de la confiance... sans malheureusement jamais réussir à rivaliser avec les acteurs californiens !

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